« L’ENTONNOIR »
Submergé par l’ennui, enveloppé dans un épais brouillard,
Un jour de fin attendue, le vide dans mon regard.
Lassé, épuisé, vidé, exténué,
Aucune issue ne s’offre à moi et me soulager.
Quel temps frappe à ma porte ?
Plus rien n’a d’importance, peu importe.
Il y a dans mon chemin de vie
Tant de chocs que je n’ai pas compris.
Une vie gâchée, émiettée, perdue
Comment en suis-je arrivé là ? comment j’ai pu ?
J’ai tant cru pouvoir être pleinement heureux.
Et pourtant, seul, ce n’est plus rien que je ne veux.
Ils penseront tous que je suis lâche,
Ils ne savent pas, je suis couvert de tâches.
Ce mal qui me ronge n’est pas dû au hasard
Depuis longtemps il me pique, me tue, me rend agar.
Aujourd’hui, c’est le jour de la fin de ma vie
Du whisky, des médocs, un cutter, mon agonie.
La famille ? mes enfants? mes amis?
Ils ne sont plus là, plus personne ici.
Sur cette pente, sans me méfier,
Je me suis laissé glisser.
Il est déjà bien trop tard,
J’y suis dans mon entonnoir.
On dit qu’il faut toucher le fond pour rebondir
Croyez-moi, là, de suite, j’ai juste envie d’en finir.
Arrrgggghhhhh……, je cris, je pleure,
Plus aucun amour ne m’effleure.
Allongé, l’immensité noirâtre m’entoure
A bord du manège infernal, un dernier tour.
Ajuster le mélange et me donner du courage,
Enfin je m’apaise, les silences me soulagent.
Des ombres s’agitent soudain prêt de moi,
Suis-je endormi? suis-je éveillé ? je ne sais quoi.
Entre choc des pensées, mes paupières sont lourdes
Je ne distingue pas ces fantômes tout autour.
Du bruit, du froid, la lumière bleue m’éblouie
Dans l’ambulance, je m’évanoui.
Un doux regard me sort de mon sommeil
Un ange? une belle âme ? une infirmière qui veille.
Sa bienveillance me questionne : « comment allez-vous ? »
Que répondre, tout est encore si flou.
Du choix de mon voyage, je ne suis pas allé au bout,
Mon esprit est perdu, l’impression d’être dans le trou.
La torpeur de l’isolement m’offre du bien à présent,
Loin du mal, de la douleur, du tourment.
Des heures de black-out, de soins, d’assistance,
Tant d’événements se sont ajoutés pendant mon absence.
Recouvrer la vie, l’envie, le désir de reconstruire,
Reprendre mes repères, comprendre ce qui a pu me détruire.
Ma fragilité, mes faiblesses, rien n’est une honte
Dans ces instants de doute, l’essentiel est que je remonte.
Me tourner vers moi-même, mon corps, mon cœur, m’entendre
Savoir qui je suis, de moi tout apprendre.
Abrité dans cette bulle, loin de tout débat, Schizophrènes, dépressifs, perturbés chroniques,
Destiné maintenant à côtoyer ce fracas, clos entre ces murs, l’hôpital psychiatrique.
J’arpente cet univers, cette ambiance, cette atmosphère
Ses règlements, ses obligations, ses horaires.
Tant de personnes perdues, l’esprit ailleurs,
Vais-je réussir à vaincre mes peurs?
Tel le troupeau égaré,
Nous nous regroupons pour mieux nous épauler.
Porter son regard vers l’autre, écouter son histoire,
Pour certains, ce lieu est devenu leur purgatoire.
Souvenir de Jacques, errant autour du château
En quête de la moindre cigarette, du moindre mégot
Se précipitant vers nous, sortant sa petite boîte métallique
Nous faire découvrir ses trouvailles, protégées telles des reliques
Souvenir de Fernando, jeune schizo de 26 ans
Si difficile à comprendre, conséquences terribles des médicaments.
Souvenir de François, prof agrégé, délivrant toute sa culture
Tellement qu’il s’y perd, prisonnier de sa propre torture.
Souvenir de Laëtitia, partie, revenue et toujours là
Ce lieu est devenu pour elle un abri sans toit.
Je ne peux ignorer toutes ces âmes paumées
Pour certains hélas, tout est perdu à jamais.
Comment ne pas perdre pied, devenir fou à lier
J’ouvre mon cœur, mon esprit, mon être en entier.
Enveloppé dans cette bulle bienveillante et protectrice,
L’idéal est de me poser, tenter de panser mes cicatrices.
Décidé à profiter de cette belle opportunité, approche de l’essentiel
La vie, la nature parsemée, renaître, perspective qui m’émerveille
Le chemin sera long … sans doute
Il me suffit de bien choisir… Ma route.
Retracer mon passé, le comprendre, l’accepter,
Tant de traumatismes enfouis m’auront fait vaciller.
Maltraitance, pédophilie, harcèlement, horreurs subies,
Ont finis par faire de moi l’ombre de qui je suis.
L’homme derrière son masque de confiance
Arrivé au bout de ses moyens de défense.
Le calme environnant, aller de l’avant,
La force de la nature s’offre à moi maintenant.
L’air, l’eau, le vent, le soleil, se laisser prendre à présent
J’y puise ma quiétude, mon apaisement.
J’y puise mon énergie, ma résilience,
Enfin, le début de mon émergence.
Sentir, toucher, regarder, écouter,
Tant de beautés m’avaient échappées.
Sensibilités nouvelles, mon éveil n’a plus d’absence
Mon monde que je croyais perdu, j’en tire…oui…sa quintessence.
Tendre à se connaître, accepter qui l’on est,
C’est au ressentiment que l’on fait un joli pied de nez.
Donne-toi de l’amour, c’est ta vie qui en dépend
Le bien-être n’est pas une sinécure, cela s’apprend.
Aujourd’hui comme hier, vivre n’est pas fait que de dentelles
Il t’appartient de la rendre bien plus belle.
Ce mur que parfois tu trouveras beaucoup trop haut,
Pose-toi, réfléchis, discute, prend le recul qu’il te faut.
Il y aura toujours un être qui sera là pour toi
Vers qui tu pourras te tourner, te livrer parfois.
Qu’il te soit inconnu ou dans ton premier cercle
Il t’aidera à soulever ce lourd couvercle.
Alors n’abandonne jamais, l’existence est magique
Révèle-toi en jolie prose poétique.
Vole, file, embrasse la douce légèreté
Qui embellit ton cœur et fait de toi …
L’être unique que tu es…